Jusqu’où irions nous ?
Une leçon psychologique sur le pouvoir et la place de nos valeurs
En 1961, quelques mois après le procès du nazi Adolf Eichmann, accusé d’avoir organisé la déportation de millions de Juifs, un psychologue américain nommé Stanley Milgram s’est posé une question simple, mais dérangeante :
« Peut-on encore dire aujourd’hui que quelqu’un a simplement obéi aux ordres ? Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à faire du mal à autrui si une autorité légitime nous le demande ? »
Pour y répondre, il a conçu une des expériences psychologiques les plus controversées et percutantes de l’histoire.
L’expérience de Milgram : le cadre
Des volontaires sont recrutés pour participer à une étude prétendument sur la mémoire et l’apprentissage. Chaque participant est assigné au rôle de « professeur ». Il doit faire répéter des paires de mots à un « élève », installé dans une pièce séparée. À chaque erreur, le professeur est invité à lui administrer une décharge électrique de plus en plus forte (jusqu’à 450 volts).
L’élève, en réalité un complice de l’expérience, ne reçoit aucun choc, mais simule douleur, panique et, à partir d’un certain niveau, cesse même de répondre. À côté du participant, un expérimentateur en blouse blanche lui dit avec calme : « Continuez. L’expérience exige que vous continuiez. »
Les résultats :
65 % des participants sont allés jusqu’au niveau maximal de choc, 450 volts. Aucun ne s’est levé pour aller vérifier l’état de la victime, bien qu’ils montraient des signes de stress intense (sueur, tremblements, nervosité). Beaucoup riaient nerveusement. Tous ont hésité. Mais une majorité a obéi.
Pourquoi ? Parce qu’une figure d’autorité leur disait que c’était nécessaire.
Ce que cette expérience révèle sur nous
Nous aimons penser que nous sommes maîtres de nos décisions, que nous savons dire non à l’injustice ou à l’absurde. Mais cette expérience révèle une vérité inconfortable : dans certaines conditions sociales, nos valeurs peuvent s’effacer derrière l’obéissance, la peur du conflit, ou le désir de « bien faire ».
Cette obéissance n’est pas propre à certains individus, elle est humaine. Et elle peut se manifester dans la vie de tous les jours :
Lorsque nous restons silencieux face à une injustice, par peur de déranger.
Lorsque nous nous conformons à des normes qui nous oppressent.
Lorsque nous renonçons à nos rêves, nos convictions ou notre éthique, parce que « tout le monde fait comme ça ».
J’imagine que certains d’entre vous se disent : « Moi je sais que je n’aurais pas agi comme eux ».
C’est une réaction fréquente (humaine, même) de croire que nous sommes « différents », « plus forts », ou « plus moraux » que les personnes de l’expérience. Pourtant, la science psychologique nous met en garde : nous avons tendance à surestimer notre capacité à résister à la pression sociale ou à agir moralement dans des situations stressantes.
On appelle cela le biais du "spectateur éclairé" ou le "biais de l’acteur moral" : on juge les autres sur leurs actions … tandis que nous nous jugeons nous-mêmes sur nos intentions. On se dit : « Moi, je suis une bonne personne, donc je n’aurais pas obéi. » Mais dans la réalité du moment, sous la pression, nos comportements peuvent nous surprendre.
Il ne faut pas oublier que l’on ne peut pas réellement savoir sans l’avoir vécu.
Même les participants à l’expérience de Milgram étaient persuadés qu’ils n’iraient jamais jusqu’au bout. Certains étaient enseignants, parents, personnes éduquées et bienveillantes, comme toi et moi. Ils ne s’imaginaient pas capables d’obéir à des ordres absurdes et cruels.
Et pourtant, la situation, le cadre, la posture de l’autorité, le langage utilisé … Tout cela crée un environnement où nos repères internes s’effacent.
🫂 Ce n’est pas une faiblesse. C’est une invitation à l’humilité.
Plutôt que de juger ou de se sentir supérieur, cette expérience nous invite à nous poser les questions suivantes :
→ Comment puis-je m’entraîner, dès aujourd’hui, à rester aligné avec mes valeurs, même dans des petites situations où la pression est présente ?
→ Quelles sont mes limites non négociables ?
→ Comment je réagis quand quelqu’un d’autoritaire me demande quelque chose que je trouve injuste ?
La véritable force mentale ne consiste pas à croire qu’on ne faillirait jamais.
Elle consiste à se préparer, à se connaître, à rester lucide sur ses zones de vulnérabilité … et à faire de ses valeurs un ancrage profond.
L’enjeu : devenir plus conscients et alignés
L’objectif n’est pas de nous culpabiliser, mais de nous éveiller. Si nous ne prenons pas conscience des mécanismes d’influence qui pèsent sur nous, nous risquons de vivre une vie dictée par l’extérieur, par la peur, par l’habitude, par l’autorité, par le regard des autres.
Alors posons-nous cette question essentielle : quelles sont les valeurs qui comptent vraiment pour moi ? Et surtout : est-ce que je vis en accord avec elles ?
Vers plus de force mentale et d’alignement
Pour conclure, je t’invite à une réflexion personnelle :
Y a-t-il un moment dans ta vie où tu as fait quelque chose qui allait à l’encontre de tes valeurs, simplement pour ne pas créer de conflit ou parce que quelqu’un te l’a demandé ?
Quelle valeur aimerais-tu mettre plus en avant dans ta vie quotidienne ?
Qu’est-ce qui changerait dans tes journées si tu vivais en accord total avec tes valeurs ?
Prends soin de toi 💚